Un soir de gala. Je me blottie contre lui. Il me serre. Il murmure :

« Ma petite danseuse ».

-         je suis pas danseuse.

Il rigole.

-         Si, tu es ma danseuse…

-         Non toi tu es danseur, tu seras toute ta vie danseur…moi dans vingt ans personne ne se souviendra que j’ai dansé, peut être même pas moi.

J’avais tord, il s’en souviendra toute sa vie lui…j’ai peut être participé à son destin. Il se souvient de tout depuis le début, quand on était petits.

« J’avais envie d’y aller moi aussi sur scène…ça m’a rappelé quand je te regardais dans les coulisses… »

Il faisait l’oiseau bleu, à la Noureev…maintenant je parcours les pages magnifiques du livre qui traine par terre dans sa chambre. La photo de classe des danseuses du conservatoire négligemment posée sur un tas de BD entassées sur une étagère instable. Lui il commence, moi j’ai fini. Et je suis sa danseuse. J’ai senti mon cœur battre. Je suis plus pour lui que les belles danseuses de là bas.

Dimanche midi. Il doit finir de chorégraphier sa compo. Il m’avait demandé : « tu saurais m’écrire un texte sur le thème du labyrinthe ? »

- heummm…peut être.

Il n’avait pas trouvé de musique pour son exam de fin d’année. Il voulait réciter un texte enregistré et danser dessus. J’ai écris le texte. Il l’a enregistré. J’avais pas encore eu l’occasion de voir ce qu’il faisait dessus. J’avais un peu peur, pas de ce qu’il avait fait, mais que mon texte soit mauvais et gâche ses capacités. J’avais pas le droit à l’erreur, c’était toute son année de travail dont il s’agissait. J’angoissais.

Il a posé le poste et branché son Ipod dessus. Il me l’a mis dans les mains et m’a annoncé

« Tu mets play quand tu veux ma puce ».

Il a fait quelques pas sur la pelouse et j’ai appuyé sur le bouton.

J’ai retenu mon souffle en gardant un air décontracté. Je stressais comme s’il passait son exam sous mes yeux. Je suis restée en apnée pendant plus d’une minute, n’osant pas bouger, le suivant des yeux, chaque mouvement, chaque muscle…hébétée, fascinée. Il respirait sur les mots, les ressentait jusqu’au bout de ses doigts…me faisait sentir ces mots que j’avais assemblés un par un.

Il s’est arrêté, j’ai cherché nerveusement le bouton off alors qu’il venait vers moi. Il était essoufflé et appuyait ses mains sur ses genoux.

Il attendait…j’ai cherché une phrase…j’ai essayé de connecter quelques mots pour bafouiller mon impression… « c’est super »…super…super…rien trouvé de mieux…vraiment pas douée dans ces moments là. Mais il a sourit.

17h…il fallait aller voter. Cams s’était installé à coté de moi et roulait son joint quand il s’est mis à pleuvoir, il a grogné. Son frère a remballé l’installation puis il est monté dans la douche.