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J’étais complètement avachie sur ma chaise d’ordi, absorbée par mon film comme si c’était mon histoire. Je regardais Lady Chatterley.

Ma sœur se met à chercher frénétiquement ce qui vibre depuis cinq minutes.

« Mais cherche, c’est ton portable j’te dis »

« Bah y’a pas de musique, ça se saurait, j’ai des sonneries qui tuent! »

Nan, en fait c’était mon portable. Sauf qu’il sonnait pas, je sais pas pourquoi.

3 appels en absence, Mon Sacha qui doit avoir une bonne raison de m’appeler…pourtant il était au conservatoire.

1 message vocal de sa pote danseuse qui me demande de venir voir le match de foot chez son ex le soir même, avec mes quinze boutons sur la face, pas même une fringue potable à enfiler…

« Sacha est bien motivé mais il veut pas venir si t’es pas là. Allé bisous ! »

Mouai, bizarre quand même...! Comme si j’avais un pouvoir insoupçonné sur sa personne…Mouarf, d’ailleurs j’y crois même pas, mais je vais y aller quand même tiens.  

J’aime bien chez son pote.

Ma mission du jour était de trouver un pantalon digne du nom et d’être rentrée chez moi pour me doucher avant de retourner à la gare et avoir mon train. J’avais pas une tune en poche, c’était mal barré. Je suis descendue en ville et j’ai quand même trouvé un pantalon.

Arrivée à Paris nord, il était là.

Il est bizarre mon danseur. Il s’arrête jamais deux minutes.

On s’est engouffré dans le métro, j’avais envie d’y rester toute la nuit face à lui, ballottés par le wagon et jouer avec ses doigts.

Station Ourq, on descend. On arrive chez son pote cinéaste par un ascenseur incertain. J’étais angoissée à l’idée d’entrer dans la pièce emplie de monde, mais il n’y avait que lui. C'était blanc, y'avait un grand poster de Marylin affiché au mur. J’aime cet appart, comme j’aime celui de Nico à Lille où la chambre d’Edouard. J’aimerai connaitre cet endroit et ce jeune homme. Mais ce n’est qu’un passage.

J’aime passer dans des endroits comme celui-ci. Il m’a servi un verre de martini plus grand que moi. J’aurai bien tout bu d’un trait, mais Sacha observait sceptiquement le verre rempli. J’ai partagé avec son pote. J’aurai bien discuté une heure avec lui mais je suis incapable d’aligner deux phrases cohérentes auprès de Sacha.

« Alors tu racontes quoi Mathilde ? »

« Là c’est le moment où tu sors quelque chose de charmant, subtil et intelligent… Heu, pas grand-chose »

Ok, laisse tomber.

Le moment où tout le monde arrive et qu’on se met à regarder tous devant nous, l’écran mural, ou le mur blanc sur lequel est projeté le match me donne envie de m’endormir une seconde, de perdre conscience juste une seconde pour réaliser que je suis toujours là, avec lui. Si je le perdais, il me faudrait garder la trace mentale de cette fraction de seconde, de ce tableau psychique, à Paris et ses doigts qui me caressent la nuque sans vraiment s’en rendre compte. Et sa pote qui me fait rire, et j’aimerai bien rire aussi, mais je me sens bâillonnée.  Je grappille des sensations. J’ai envie de me blottir dans ses bras et qu’il m’embrasse dans le cou.

Quand on se retrouve tous les deux dans la rue je n’ai plus envie d’un câlin. J’ai très froid et je sais d’avance qu’il n’y fera pas attention. Je sais aussi que je n’aurai pas de câlin. Je remercie le ciel d’avoir interdit aux gens de lire dans les pensées. S’il lisait dans les miennes il me détesterait.

J’avance au hasard du trottoir, dans la nuit, son bras sur mon épaule. Je sais que j’aimerai ce moment plus que tout quand il ne sera plus, je sais très bien qu’il fera un souvenir précieux, mais je suis triste.

Tu es comme la danse, insaisissable, magnifique et volatile.

Alors tant pis, je te regarde.

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